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  • Le soleil à mes pieds de Delphine Bertholon - JCLattès

    le-soleil-a-mes-pieds-292806.jpgLa rentrée littéraire est riche, on nous assomme de "nouveautés" émanant d'écrivains connus et reconnus, on les sélectionne pour les différents prix littéraires, et parmi eux, entre autre, Le soleil à mes pieds de Delphine Bertholon. On n'en parle peu et pourtant ! Entre l'auteur, le titre qui est une invitation à  l'évasion, et la stylistique, il mériterait plus. 

    Paru en août de cette année, ce quatrième roman de cette pétillante blonde mérite d'être lu, partagé et découvert. 

    Non étrangère à la plume de Delphine, j'ai été, encore une fois, emballée par ces quelques 186 pages noircies. Emballée étant synonyme d'emportée, émue par les  mots et maux qui au fil des pages m'empêchent de poser ce roman, ne serait-ce que pour aller boire un verre d'eau. Lu sur le voilier, la mer à mes pieds, et le soleil sur ma tête, il a été refermé avec "Le soleil à mes pieds"

    Deux sœurs : la Grande et la Petite. Une ville : Paris. Des sentiments : jalousie, inquiétude, énervement, liberté et j'en passe. 

    Delphine embarque sous sa plume le lecteur dans un méandre de sentiments, dans une histoire fraternelle compliquée, triste, satyrique. Et le lecteur suit, parcoure les pages, retient sa respiration, pleure, rit, sourit, angoisse.

    Au fil des pages, les nœuds  se serrent, se délient. Le lecteur halète, retient son souffle. Il veut aider la Petite, il veut gifler la Grande. Oui, l'auteure arrive à introduire le lecteur lambda dans son écriture, elle lui offre la place au premier rang pour être témoin de ce que vivent ses deux sœurs que tout oppose, sauf  ce terrible secret. 

    La Grande a tout pouvoir sur la Petite. Elle est son souffre-douleur. La Petite ne pipe mot. Elle s’exécute  Elle n'en pense pas moins, mais comment sortir de cette pression constante de la Grande. La  Petite ne peut plus penser, sa sœur pense pour elle. La petite étouffe, elle nous le livre, à nous lecteurs, mais pas à sa Grande. Étouffée  apeurée même la Petite ne travaille pas. Elle se cloître dans sa petite chambre de bonne dont la Grande a les clés. La Grande régit sa vie, son quotidien. La Petite ne peut vivre ainsi. Il faut qu'elle se détache de ce poids. Dès les premières pages, on sent une atmosphère de folie. On veut comprendre. De page en page, l'horizon s'éclaircit, puis se noircit. On oscille, tout comme je tangue sur mon bateau en lisant ce roman magnifique, qui sous son aspect est un hymne à l'amour, à la liberté. S'aimer soi, vivre soi, être soi, être libre. 

     

    Delphine Bertholon est un génie. Elle manie le verbe comme personne. Des phrases courtes, concises et incisives. Elle nous entraîne dans la vie de ses deux sœurs  et ne nous donne pas l'occasion de les quitter en route. Elle fait danser les mots, les métaphores sous nos yeux. Un pur moment de bonheur et de détente. 

    Merci Delphine pour ce roman, et  à bientôt je l'espère.

    Promis je me vêtirai de lin. 

  • Des jours parfaits - Annie Lemoine - Flammarion

    des jours parfaits.jpgFidèle lectrice d'Annie Lemoine, c'est avec une grande joie, et une belle impatience que je me plonge dans son dernier roman "Des jours parfaits", paru aux Editions Flammarion le 15 mai de cette année. 

    Lu, avalé, dégusté cet été à bord de "Maki", voilier sur lequel la détente est assurée, j'ai reposé ce livre quelque peu bouleversée. 

    La plume  d'Annie m'a toujours conquise, ses romans m'ont charmée, mais là il en est autre. Je suis au-dessus de ces sentiments. Le style est le même, quoique la plume plus recherchée à mon sens, et ce roman ne vous laisse pas indemne. Point de légereté. Un roman pas comme les autres. Je retrouve les thèmes chers à Annie Lemoine, l'amour, la passion, la vie, mais là c'est un truc en plus, inexplicable. 

    L'histoire peut paraître banale : Une jeune fille découvre la correspondance  que sa mère a entretenu avec un homme durant quelques années. Des années de passion, des années de silence. Mais rien n'est banal, de la première à la dernière page, le lecteur est  happé par ses  échanges épistolaires. Le lecteur est baladé, ne sait où il va. Quel talent Annie !

    188 pages d'hymne à l'amour, 188 pages de tendresse, 188 pages de questions, 188 pages de découvertes artistiques... 

    La narratrice, dix sept-ans, a  entre ses mains un cahier rouge qui était à sa mère, maintenant décédée. Elle lit les pages noircies par l'encre de sa mère. Elle découvre une mère qu'elle ne soupçonnait pas. Une mère amoureuse, passionnée d'art, une femme. Au fil de sa lecture, elle s'interroge, découvre, comprend, ne comprend plus. Une lecture qui va la mener en Sicile, qui va lui permettre de comprendre cette femme, Ninon, cette mère qui l'a élevée seule. 

    Ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler l'issue de cette lecture, par contre je peux vous conter combien Ninon aimait les oeuvres d'art, combien cette femme est forte, combien elle est passionnée par la vie. Annie Lemoine maîtrise le champ lexical de l'art, elle nous fait découvrir sous sa plume ses tableaux peints, les decrypte, nous les fait aimer. Elle ouvre aussi en nous des brèches que l'on pensait fermées, mais point du tout. Chaque lecteur est obligé d'être touché par les mots si bien maîtrisés et surtout si bien arrangés entre eux. Un pur bonheur. 

    La narratrice sous la plume d'Annie nous emporte avec elle, nous fait partager ses émotions, et cette sensation étrange. 

    Un roman qui se lit d'une traite car on ne veut pas laisser seule la narratrice dans ce voyage. Un livre qui parle d'amour, de passion, de vie. Un livre émouvant que je recommande vivement. 

    Quelques citations 

    • Ma mère me laisse des rêves amputés, abîmés par son absence définitive sans personne à qui en vouloir (page 13)
    • Je viens du gris, le monochrome de l'hiver parisien que seuls supportent les résignés ayant admis une fois pour toute que Paris était une ville du Nord. (page 23)
    • L'amour donne la sensation de voyager dans des berlines luxueuses sur les banquettes desquelles on ignore tout de l'état des routes. On glisse sur le bitume avec l'envie de baisser la vitre pour sentir l'air frais vous caresser le visage et au passage se découvrir plus vivants. (page 52)
    • J'aime que tu aimes la vie simple que nous menons, que tu en jouisses avec moi du matin jusqu'au soir, du soir jusqu'au matin. J'habite une bulle rose à l'intérieur de laquelle je me serre contre toi, je t'aime. 
    • L'artiste peint ce qu'il est, pas ce qu'il voit. Il peint pour se rencontrer, se trouver. les meilleurs sont ceux qui ne transigent pas, se jettent entiers dans  chacune de leurs oeuvres. Curieux, apaisés, ils les regardent ensuite comme s'ils éclairaient à la lampe de poche une partie sombre de leur être où ils ne se souviennent pas être allés. (page 65)
    • Le manque brûle tout, embrase tout, ne laisse aucune pensée cohérente sur son passage. Je bascule dans un monde délirant, il me reste encore une once de raison pour m'en rendre compte. La douleur me plie en deux. (page 98)
    • Puissent les amours qui viennent plonger leurs racines dans celles qui les ont précédées afin qu'elles n'aient pas été vécues pour rien. Afin qu'elles vivent encore. (page 115)

    Des jours parfaits - Annie Lemoine - Flammarion  

     

     

  • Autobiographie d'une courgette de Gilles Paris

    autobiographie-dune-courgette.jpg


    Septembre, le mois des rentrées : rentrée scolaire, rentrée littéraire, rentrée des aoûtiens au boulot.. Bref, tous les médias nous parlent de la rentrée. 

    Quelques chroniques en retard (on ne me refera pas, je suis ainsi), je ne sais par quel livre, quel auteur commencer ma rentrée ici-même. Puis l'évidence, Autobiographie d'une courgette de Gilles Paris, cet ami. 

    Gilles Paris, la cinquantaine, charmant jeune homme, timide et au sourire doux, est un auteur rencontré voici maintenant deux ans. Un homme  sensible, à l'écoute et talentueux, qu'on se le dise. Il maîtrise les mots, tant à l'oral qu'à l'écrit, il est un homme qui travaille dans le milieu de l'édition depuis de nombreuses années, très nombreuses années.

    Lu en 2012, Autobiographie d'une courgette, puis relu cette année dans sa version poche, j'ai toujours le même plaisir à lire ce roman. 

    Gilles prend  sa plume, mais la magie ne s'arrête point là. Cette plume se transforme alors en Bic d'un enfant d'une dizaine d'années qui aligne les mots, les idées et qui nous  livre son quotidien. Gilles écrit comme un gosse, et c'est agréable à lire, et ça donne le sourire. L'innocence de l'enfance transparait à chaque ligne. Un travelling arrière dans le monde des chérubins. Tout au long de ma lecture, je suis touchée par ce petit gamin qui nous livre sa vie. Une vie qui n'est pas celle d'un enfant comme les  autres. 

    Courgette, et oui tel est  le prénom de  notre héros, a un mauvais geste, un soir. Tétanisé, il se réfugie dans le grenier familial. Il n'a ni père, ni mère et se retrouve donc seul jusqu'à l'arrivée de cet inspecteur de police : Roymond, qui sous ses allures, est un homme avec ses forces et ses  faiblesses, et surtout qui sera la résilience de notre Courgette. 

    Petit bonhomme d'une dizaine d'années, Courgette va être placé en foyer, aux Fontaines. Sous son oeil, sous ses mots, sous ses maladresses, il nous entraîne dans son quotidien. Nous cotoyons ses amis, ses amies, Camille, son professeur, la directrice du foyer, le mal être des enfants qui l'entourent, tout comme le  sien. Quoique, Courgette ne va pas si mal que ça. C'est d'ailleurs cet état d'âme si optimiste qui fait que l'on s'attache à Courgette. Nous serions prêts à adopter toutes les courgettes qui malheureusement vivent dans un foyer. De sa vie en communauté à ses petits secrets, de son quotidien aux Fontaines à son professeur, Courgette vit, sourit, ne comprend pas toujours tout très bien. Il  se fait à cette vie, meilleure que celle d'avant, quand il était seul avec sa maman car son papa a décidé de partir avec une poule. Courgette vit, découvre les premiers émois amoureux, est confronté à la réalité du monde, aux enfants dont les parents sont en prison, ou défaillants. Courgette se construit, c'est une petit bout d'homme attachant, énervant parfois, doux et  tendre. 

    Sous la plume  de Gilles, les expressions s'enchaînent, les sourires se dessinent sur nos lèvres, quelques larmes coulent, quelques moments d'angoisse aussi. Gilles réussit, ici, à traiter d'un sujet sérieux, triste et  pourtant si courant, avec légéreté, tendresse, humour et sans jamais tomber dans la compassion. Les institutions et le système  français ne sont jamais mis à tort. Gilles a le  talent de traiter un sujet grave sans entrer dans quelque polémique qui soit. 

    Nous sommes portés, nous lecteurs, par ce petit gamin de dix ans qui connaîtra une fin heureuse dans son malheur. Une fin heureuse que l'on souhaite à tout enfant placé. 

    Un livre à découvrir, attachant et à faire lire à nos chères têtes blondes, car c'est aussi ça  Autobiographie d'une Courgette, c'est un livre de 7 à 77 ans. Il est d'ailleurs, depuis l'année dernière étudié dès la classe de CM2.

    Lors de la rédaction de ma chronique, j'ai demandé à ma fille qui a lu le livre de  rédiger à son tour une petite note sur sa lecture. Je m'attendais à quelques lignes, mais il n'en fut rien. Elle m'a avoué ne pas pouvoir écrire sur ce  livre, trop  empreinte par sa lecture qui l'a bouleversée. Je lui demande alors pourquoi. Sa réponse est une merveille pour moi :

    "Mais maman, pour moi Courgette c'est le Petit Nicolas que je lisais quand j'étais en CE1, sauf qu'il a grandi, et que je ne pensais pas qu'il aurait cette vie là avec ses camarades."

    Quelques citations :

    "Un jour, elle m'a dit que l mal venait toujours des gens de la ville, comme papa, avec leurs souliers vernis et leurs belles paroles qui sonnaient plus faux que le chant du coq" (page 53)

    "T'as pas froid ? dit Raymond. -Non." Et il enlève son blouson et il m'enveloppe dedans. Des fois les grandes personnes, ça écoute que dalle" (page 63)

    "Apprendre par coeur c'est pas pour moi et je vois pas ce que le coeur vient faire dans tout ça" (page 82)

    "L'imagination c'est restituer à la mémoire des perceptions ou des expériences antérieures". (page 85)

    "Des fois les grandes personnes faudrait les secouer pour faire tomber l'enfant qui dort à l'intérieur" (page 172)

    Autobiographie d'une courgette de Gilles Paris - Flammarion Collège.