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éditions eloïse d'ormesson

  • Et n'attendre personne - Eric Genetet - EHO

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    Eric Genetet n'en est pas à son premier roman, mais son deuxième à en croire la quatrième de couverture. Pour moi, il est une découverte de cette nouvelle année 2013. Comment Eric a-t-il rejoint quelques uns de ses camarades dans ma bibliothèque ? Par Facebook, et principalement grâce à Harold Cobert, auteur que j'affectionne.

    En cette fin du mois de Mars, alors que le printemps annoncé officiellement n'est point visible, je reçois, après commande sur internet (Ne me grondez pas, mon libraire préféré de Nice a fermé ses portes, et mon état ne me permet pas de me déplacer), "Et n'attendre personne" un certain samedi matin.

    Le livre rejoint ses camarades, au nombre de 14, sur l'étagère "A lire". Il n'y restera pas longtemps, car je suis de ses personnes qui préfèrent lire un livre dont on parle peu (médiatiquement parlant) que lire un livre qui jouit d'une publicité "juste trop". 

    D'emblée on reconnait la marque de fabrique des Editions Héloïse d'Ormesson, un cachet à part, propre à cette petite maison d'édition qui regorge de talents. La photographie de l'auteur est en adéquation avec celle apparaissant sur Facebook, chouette je n'ai pas à faire à un mec qui trafique son portrait. 

    Mes doigts glissent sur les pages pour les tourner vivement, mes yeux sont attirés par tous ces jolis mots si savamment mariés, unis entre eux, et mon coeur bat la chamade au fil des pages. Alberto, Isabella et Manu m'entraînent dans leur vie. 

    Alberto est le mari d'Isabella, et le père de Manu. Donc Isabella est la mère de Manu. Jusque là, tout va bien. Sauf que voilà, Alberto et Isabella c'est plus tout à fait ça. Faut dire que ça fait vingt ans qu'ils vivent ensemble, ils ont eu un fils, leur couple est un modèle aux yeux des autres. "Si la vie était un courbe accidentelle, depuis ma rencontre avec Isabella, la mienne s'avérait géométriquement parfaite".  Mais un jour Manu décide de s'envoler, de quitter le cocon familial et de partir à ..... New York. C'est pas la porte à côté, et puis c'est un choc pour les parents. Surtout pour Alberto. Tandis qu'Isabella prend la nouvelle avec optimisme "Le départ de Manuel me chamboule, mais c'est aussi une libération pour moi. J'ai le sentiment d'avoir accompli ma mission, d'avoir le droit de prendre de vraies vacances, de penser à moi", Alberto vit cette annonnce comme un séisme intérieur. Le doute, la peur s'installent en lui. Sa femme n'aurait-elle pas un amant ? "Savoir si elle me trompait ne m'intéressait pas. Nous étions heureux depuis si longtemps, et j'étais assez d'accord avec Cyrano de Bergerac qui préférait être cocu que jaloux. Au bout de vingt ans, il est délicat de laisser l'autre embarquer dans une aventure. Le contraire serait de l'imprudence". 

    Alberto tente alors de vivre, de se prouver un je-ne-sais-quoi, et se retrouve alors avec une belle femme, plus jeune que lui, avec qui un jeu de séduction est mis en place de manière inconsciente, mais surtout sans passage à l'acte. Il ne trompe pas Isabella. Avec son pote Benjamin, il décide de faire l'ascension du Mont Blanc sans aucune préparation sportive simplement pour se "prouver que je n'étais pas un encore un vieux con glissant aveuglément sur la piste noire dela deuxième partie de sa vie, ni un vieillard vidé de ses forces". 

    Ce roman c'est donc l'histoire d'un mec quadragénaire qui perd tous ses repères, ceux de père, ceux de mari, ceux d'homme. Il ne sait plus au fond. Au fil des pages, on partage avec lui ses joies, ses peines, ses colères, ses décisions, ses incertitudes, son quotidien. Tout cela balayé par une simple annonce du fils. Le fils qui part. On découvre alors la relation d'Alberto avec son propre père, peut-être fera-t-il le même chemin que lui, peut-être pas. Cela je vous laisse le découvrir, car il faut lire ce doux roman court mais oh combien grinçant de vérité, alerte, vif et brut. 

    A la lecture de la prose d'Eric Genetet, j'ai été happé par Alberto. Je comprenais cet homme, ses choix, ses angoisses, ses décisions, pas toujours faciles. Alberto est attachant, on a parfois l'envie de le secouer un peu plus, de lui dire "Stop", et en refermant le livre on est heureux pour lui, pour son fils Manuel et pour Isabella. 

    Je vous connseille donc vivement d'acquérir ce livre, car au-delà de la trame narrative, l'auteur maîtrise l'art de raconter, de partager. 

    Une très belle découverte en ce mois de Mars. 

  • L'Enfant de Calabre de Catherine Locandro - EHO

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    Nouvelle année, nouveaux romans au rayon de mon libraire niçois et mon choix se porte en particulier sur L’enfant de Calabre pour plusieurs raisons : je suis niçoise d’adoption depuis trente ans, je connais (un peu) Catherine, l’auteure, et j’adore l’Italie. Trois bonnes raisons à laquelle rajoutons que les précédents romans de Catherine m’avaient emballée par une plume juste, vive, fine et douce.

    Au cours des premières pages je suis un peu perdue :

    • 1937 – 1954 – 2011,
    • l’Italie, l’Indochine et Nice
    • une femme que l’on enterre comme une paria « Quelques mots d’un prêtre ont peut-être précédé cette ultime punition, ce reniement absolu de ce que tu avais pu être, de ton existence toute entière »
    • Lui qui vit la guerre d’Indochine avec Mattéo à Diên Biên Phu, « Lui vivait comme un insecte, sous terre, dans des alvéoles qui menaçaient à chaque tir d’obus de s’effondrer pour l’ensevelir. Une termitière à échelle humaine cernée de collines sombres », et, 
    • Frédérique, niçoise, trente neuf ans « Et puis trente-neuf ans, c’était une sorte de non-âge. Tant qu’à être arrivée jusque-là, autant atteindre la quarantaine ».

    Puis au fil des deux cent soixante-huit pages, tout s’éclaircit, tout se confond, tout s’enchevêtre, tout est suspens, émotions, rires, pleurs, douleurs et douceurs. Un succulent mélange de sensations qui s’insinuent en moi, lectrice. Un livre qui parle pas d’amour mais des Amours avec une sensibilité poignante.

    Frédérique, narratrice et héroîne, est attachante. Je suis à ses côtés, je vois ce qu’elle voit, elle se dessine sous mes yeux. Je saurai la reconnaître parmi tous les touristes niçois qui déambulent en cette période de Carnaval à Nice. Extraordinaire coincidence que je lise ce livre qui se déroule au mois de février à Nice, en plein mois de Février. J’aimerai être l’amie de Frédérique. Comme elle, petite j’étais très intriguée par ce panneau « Détective Privé » affiché au troisième étage d’un immeuble d’angle de la zone piétonne. Je me disais que c’était un mensonge. Dans mes souvenirs, et ceux de Frédérique sont les mêmes, un détective ne devait être vu (comme dans le Club des Cinq), alors pourquoi afficher aux yeux de tous son existence ?

    Frédérique pousse les portes de cette agence particulière pour retrouver cette inconnue blonde qui avait le pouvoir de faire sourire son père, Vittorio dit Vitto. Cette blonde  présente sur un cliché trouvé en rangeant les affaires de sa mère, lors de son décès. Qui est cette femme avec son père ? Pourquoi l’air de son paternel est un air qu’elle ne lui a jamais connu ? Au dos de la photographie, le nom de l’agence. Pourquoi ? Une multitude de questions s’emparent de Frédérique, elle veut savoir, poussée par on ne sait quel motif, mais poussée par l’envie de savoir qui elle est, elle Frédérique.

    Catherine Locandro nous mène sous sa plume vive, sous ses mots recherchés et sa syntaxe douce mais oh combien puissante, de Nice à Gênes, avec des travelling arrière en Indonésie. Nous découvrons la guerre d’Indochine du point de vue de ses deux soldats italiens qui sont unis comme deux amis, deux frères. Ils vont vivre ensemble cette guerre, connaître la peur, la faim, la honte, la souffrance mais non ils ne vont pas mourir car quelqu’un les attend quelque part. C’est leur motivation cette correspondance avec ces deux jeunes filles italiennes. Lui va vite cesser cet échange épistolaire de part sa promotion au sein du bataillon, et de part une non-envie d’écrire. Mattéo va continuer à coucher les mots sur des bouts de papier pour Barbara, fille mère de dix sept ans, avec qui il échange. Puis tout s’arrête. Barbara a trouvé un homme en Italie, l’annonce à Mattéo, qui ne sait  donc plus pourquoi il continue à vivre. Lui « était un revenant, condamné à errer au milieu des vivants. Il lui arrivait encore de le croire ». Au-delà de ce flash back en 1954, de cette période de guerre, nous découvrons l’amitié fraternel entre deux hommes. Deux hommes pas très doués avec les sentiments, avec les mots mais oh combien humains, et tendres. Oui ils sont tendres ces deux-là, m’arrachant parfois quelques larmes.

    Frédérique est en quête d’identité au fil des pages. La peur l’envahit par moments, le  doute aussi. Elle veut comprendre, elle veut savoir ce qu’est son histoire, l’histoire de ses parents. Ce père qui l’aimait tant et qui était en adoration devant sa fille. Fille a qui il donne d’ailleurs le prénom francisé de sa propre mère. Cet homme qu’elle a connu ne présentait absolument pas le visage qu’elle voit sur ce cliché retrouvé. Qui était-il donc ?

    Catherine Locandro sait embarquer le lecteur dans les méandres des secrets de famille. Mais pas que.

    De ce roman, je retiendrais effectivement cette quête de soi nécessaire à tous pour vivre, s’aimer soi avant d’aimer autrui, se construire. Nous le savons tous. Un secret de famille  ne peut permettre  à la descendance de se construire comme il faudrait.  Mais ce n’est pas tant cette quête de soi qui m’a émue, je dirais même, au risque de décevoir l’auteur, certains blogeurs, et certains lecteurs, que cette recherche de vérité est seulement la trame du roman.

    Chaque page, chaque chapitre, chaque situation de ce roman est une ode à l’amour, aux sentiments vrais, à l’authenticité, et au respect de la vie de chacun. Catherine Locandro nous parle de l’amitié entre deux hommes, une amitié forte, irréelle même. Cette amitié rare, mais surtout masculine dont peu de personne parle. Oui, il existe aussi chez nos amis les hommes des émotions. Ils en sont capables, mais comme plus pudiques que nous les femmes, ils vous parleront d’amitié de bar, de fac, de lycée, de guerre… A travers chaque mot, chaque phrase nous palpons ce lien qui unit Lui à Mattéo.

    Et puis, fil d’actualité, Catherine pose des mots sur l’homosexualité, sur le regard des autres, et sur ce qu’en pensent les parents quand ils apprennent. Frédérique sera soutenue par son père quand elle lui apprendra qu’elle aime les femmes. Ce père accepte le choix de sa fille. Quelle belle leçon d’humanité et de tolérance.

    En bref, Catherine nous raconte la vie et surtout l’amour d’un oeil et d’une plume douce, criante de vérité, pudique mais oh combien incisive. Je referme le livre, heureuse et adoucie, troublée et émue. J’attendrais l’embellie pour rédiger ma chronique…Non, le 24 février est trop loin.

    Un livre à acquérir, à lire, et à partager.  

    PS : Deux pages ont été difficiles à lire pour moi, deux pages où Frédérique se pose dans ce bus qui l’amène là où habitaient ses parents, là où un 27 décembre 2012 ma vie a basculé. C’était mon chemin, et celui de Frédérique, vers une vérité. Nous avons eu le même chemin.