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été 2014

  • J'aime ton mari de Sylvie Bourgeois - Coup de coeur la fée maraboutée - ADORA

    roman.jpgEmma, la quarantaine, est une héroïne comme je les aime. Elle a une belle conception du monde, le sens de la relation humaine, bienveillante, polie, réfléchie (quoique), et ce sens du "rendre service" qui se perd hélas dans notre société actuelle. 

    Emma entretient une relation conflictuelle, complexe avec sa mère, sa sœur, et avec sa sœur utérine. Emma est veuve, maman d'un bambin de cinq ans, et n'a pu mettre un terme à son deuil du mari perdu qu'à travers un engagement dans une ONG pour sauver l'Amazonie. Elle se moque du paraître, réfutant l'idée même de soigner son apparence, mais invitée au mariage de sa plus jeune sœur,elle doit composer le temps d'un week-end au Cap d'Antibes avec ce monde de paillettes et de paraître. 

    Départ de Paris pour Nice, puis Antibes. Dès les premières pages, Emma est confrontée à la bêtise humaine, aux règles de sécurité improbables et n'ayant aucun sens. Mais heureusement un gentleman intervient. L'arrivée à l'aéroport niçois sera aussi l'occasion d'être confrontée au ridicule de certains règlements. Sylvie Bourgeois nous décrit l'absurdité et la vacuité de notre monde actuel avec un regard, et une plume d'une extrême finesse. 

    Emma est incapable de se projeter dans l'avenir, n'arrive pas à être joyeuse pour le mariage de sa sœur utérine. Mais voilà, elle a passé un pacte avec sa meilleure amie Charlotte, coach sentimentale. Emma doit trouver l'homme de sa vie, aidée de Charlotte évidemment. En échange de quoi, son amie narre les aventures d'Emma sur son blog. C'est ainsi qu'Emma devient Virginie dans le monde virtuel, et que le blog de Charlotte connaît un succès sans précédent. C'est donc sous les conseils de son amie qu'Emma se doit de trouver un homme lors de ce week-end festif. 

    Projetée dans un monde qu'elle hait, mal à l'aise au sein de cette foule de "m'as-tu vu", ne connaissant même pas le futur marié,  Emma est pris de vertiges quand elle rentre dans l'Eglise. Ce lieu, symbole du décès mais aussi de la joie par le mariage. Avant même la cérémonie, Emma rencontre son futur beau-frère, une rencontre hors du temps, répondant au nom d'André. 

    Heureusement, Fred, le cousin mal aimé de la famille du marié, va s'approcher d'Emma, et entre eux, le fluide va passer. Ils sont tous les deux les indésirables du jour, mais invités parce que protocole oblige. Fred, le coiffeur qui ne parle que de sexe, attiré par les hommes, mais aux mains d'argent et au cœur de velours. Et puis, il y a Léonard, le mari de Fabienne, sœur aînée d'Emma. Avec lui, la relation est belle, mais secrète pour éviter d'attiser la jalousie de sa femme. Emma est à part. Elle entretient une relation tendue, dénuée de sentiments avec ses sœurs, avec sa mère. Pas de place aux sentiments. 

    Après la cérémonie, retour à l'hôtel où il faut se préparer pour la soirée. Soirée où Emma est attendue, en espérant qu'elle respecte les codes qui lui ont été dictés pour ce jour : être bien habillée (adieu sarouel et vêtements sans forme), ne pas causer de son Raoni pour soulever des fonds. C'est tout ce qu'on lui demande à la sœur de la mariée. 

    sylvie-bourgeois.jpg

    Débriefing avec Charlotte au téléphone, vêtir absolument la petite robe en crêpe framboise de la fée maraboutée, chausser des talons de 9 cm, et se coiffer. Emma n'a pas envie, mais Fred la prend en main, et au bout de quelques heures, Emma est méconnaissable. Une bombe, une beauté. 

    Et là, tout commence, ou tout se termine. Notre Emma se métamorphose. Elle ose, écoute les conseils de son ami Charlotte pour attraper un homme, et porte son envie sur Léonard, le beau-frère. Les vérités éclatent tout au long de la soirée, même tard dans la nuit. Personne ne se reconnait, personne ne comprend plus rien. Une valse de répliques et de dialogues entre André (le marié), Myrtille (la mariée et sœur utérine), Fabienne (la sœur), Léonard, Fred, et l'homme de l'avion. Au centre, notre belle Emma. Emma qui va en surprendre plus d'un, Emma qui se libère du poids de sa relation à la mère, Emma qui ose dire, Emma dit qui elle est au fond, s'éclate dans cette valse de sentiments et d'émotions. L'ivresse lui fait dire les vérités. Tout le monde ment à tout le monde, et puis la vérité éclate. 

    Sylvie Bourgeois signe là un roman doux et léger, mais pas si léger que ça. Quelques deux cents pages de vérités que seule Sylvie sait nous livrer sous des airs un peu désinvoltes, des messages forts, des vérités de vie. La plume de Sylvie est là, fine, vive, osée, véridique, tout en douceur, sincère et hilarante. L’œil de Sylvie sur le monde qui nous entoure, sur le sens de la relation humaine, sur l'indépendance de la femme, sur l'amour, sur la vie actuelle est d'une précision et d'une analyse déconcertante et si juste. Merci Sylvie Bourgeois pour ce dernier roman que j'ai dévoré et qui m'a fait rire, tout en me faisant réfléchir sur le sens que l'on donne à sa vie. 

    robe framboise.jpgUn bout de tissu framboise change le destin, comme quoi il en faut peu parfois. Mais ce petit bout de tissu va permettre aussi à notre héroïne d'être libre. La liberté, cette conception de vie chère à Sylvie Bourgeois. Emma apprend aussi qu'il ne faut pas intellectualiser notre plaisir, que l'on se doit de défendre notre territoire amoureux, et que l'amour nous fait accoucher d'un autre nous. 

    Si morale il doit y avoir à ce roman je reprendrais cette phrase si juste 

    "Savoir visualiser son désir, puis le formuler était la première pierre de l'édifice pour favoriser sa réalisation".

     

    Quelques extraits

    • - Avoir un gun, de l'argent et du pouvoir. Pourquoi croyez-vous que le pilote ne m'a rien dit alors que j'ai été plutôt grossier ? Il a senti que j'étais plus puissant que lui. La vie n'est qu'un rapport de force, une lutte de territoire. - Mince alors, j'ai tout faux, j'ai tout misé sur la bienveillance. Avec votre raisonnement, je devrais être morte depuis longtemps. - Vous êtes en état de survie comme tous vos semblables trop gentils. Prenez soin de vous, je dois rejoindre mon siège et ma femme (page 13)
    • Au lieu de râler et de rester dans le chacun pour soi, notre unique solution pour accéder au bonheur est de résister en s'entraidant , en plus c'est valorisant de se sentir utile (page 18)
    • Une des grandes règles de la vie est d'accepter que personne ne change, au mieux, les gens peuvent évoluer sur leurs bases mais jamais s'en fabriquer de nouvelles (page 26)
    • L'amour est une histoire de rencontre entre la peau et l'âme. Je suis ambitieuse, je veux vire avec l'homme dans les bras duquel je n'aurai pas peur de mourir. Je veux le respect, l'estime, la confiance, tout partager, il n'y a que dans les gestes du quotidien qu'est le véritable amour. (page 72)
    • Ou peut-être ne s'aime-t-elle pas belle ? Et préfère-t-elle que les personnes ne voient en elle que son esprit et non son physique ? (page 80)
    • Et efface le numéro de téléphone de ton chirurgien esthétique. A la prochaine piqûre, tu ne ressembleras plus à rien. On dirait déjà que tu as deux pneus à la place des lèvres. A force d'abuser du Botox, tu n'as plus d'expression, tu ressembles à une limande, tu sais, les poissons plats. [...] Prends plutôt des cours de joie. Mets du sourire dans tes yeux, tu verras, ça te changera la vie. (page 100)
    • De toute façon, comme disait Audiard,un riche ruiné aura toujours plus de fric qu'un pauvre qui a fait fortune. (page 108)
    • Oui et ce soir je me saoule jusqu'au dernier jour de mon existence, je ne veux plus connaître que l'ivresse et en vivre que pour l'instant présent. Je suis stupide de ne m'être jamais laissée aller et d'avoir toujours été dans le contrôle. (page 128)
    • Tu imagines un riche tout seul en vacances ? Il se flingue. (page 145)
    • ...elle projette dans la réussite de son mari sa crainte de ne pas arriver à construire toute seule sa propre vie, comme un bernard-l'ermite qui ne fout rien mais qui sait s'incruster dans les coquilles bien chaudes et douillettes de ceux qui triment. (page 156)
    • Fonce ma chérie, on n'a qu'une vie. N'intellectualise pas ton plaisir, lâche tes réticences, tes jugements, oublie comment tu t'appelles, d'où tu viens et offre-toi à fond. (page 178)
    • La vie serait plus jolie si on commençait tous déjà par sourire.(page 203)

     

    teeshirt et roman sylvie.jpg

    A cette occasion, Sylvie Bourgeois vous offre un tee-shirt

    et son dernier roman "J'aime ton mari".

    Dépêchez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde.

    Comment faire ? Envoyer un mail avec vos coordonnées à Bérangère  

     

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  • Les Thermes du Paradis d'Akli Tadjer - JCLattès

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    Akli Tadjer est un habitué de mon blog, car il est un auteur que j'apprécie, car il est un homme bienveillant, car il est de ces auteurs qui maîtrise une plume vive, alerte et humoristique. 

    Rencontré voici deux ans, au détour d'un stand du Salon de Livre de Nice, je lui dois de belles rencontres, telles Gilles Paris, Grégoire Delacourt, Delphine Bertholon... J'ai découvert son talent voici deux ans à peine.  Il est aussi une belle rencontre littéraire pour quelques amies, dont Marion, l'amie d'enfance. 

    Il nous revient en 2014 avec "Les Thermes du Paradis". Un opus de 314 pages paru aux éditions JCLattès en Mars 2014, reçu dans ma boîte aux lettres à cette période. Mon retard de chronique est dû à quelques soucis seulement, car ce livre fait partie de mes coups de cœur pour ce premier semestre 2014.

    Je retrouve la plume d'Akli, je retrouve son style, son humour et surtout son don à tourner toute situation dramatique en comédie, en rires. 

    Dès la première page, le ton est donné avec cette superbe citation de Romain Gary "Il ne faut pas avoir peur du bonheur, c'est seulement un bon moment à passer". 

    Adèle est à la tête d'une entreprise familiale, une entreprise de pompes funèbres, bref elle est croque-mort. Sa meilleure amie et co-locataire, Leila,est elle thanatopractrice (elle répare les morts pour les rendre beaux). Les personnages et le décor sont plantés dès les premières pages, et l'on se demande où va nous mener la plume d'Akli. Il rompt avec ses précédents romans par cette présentation d'un monde où l'on pense que le rire et l'humour ne peuvent avoir place. Cependant, on retrouve l’œil perçant de cet auteur, cette facilité à injecter de l'humour dans toutes situations. Parfois caustique, parfois cassant, Monsieur Tadjer nous promène par le bout du nez par le bout de sa plume. 

    Adèle est célibataire, ne trouve pas chaussure à son pied. Faut dire qu'annoncer son métier en fait fuir plus d'un. Cependant, sa sœur bienveillante lui organise la fête de ses trente ans qu'elle s'apprête à fêter d'ici peu. Fête à laquelle les amis d'enfance sont conviés,fête durant laquelle Adèle se doit (pour sa sœur) de trouver l'homme de sa vie. Mais Adèle se fiche de ses trente ans, elle sait qu'elle n'est pas bandante. Elle en veut à son père d'avoir hérité de lui son teint de bougie, son long nez et ses lèvres fines qui lui donnent en permanence cet air austère ou revêche.  Sans parler de ces yeux bleus, du même bleu que le détergent pour chiottes Canard WC. (p17)

    Leïla est quant à elle reniée par sa famille musulmane. Akli nous décrit avec beaucoup de réalisme et d'humour les convictions des familles musulmanes. On en rit,on est obligé, qui plus est quand tout cela est écrit par un auteur qui connaît bien le sujet. 

    Leïla est l'amie que l'on souhaite. Elle s'occupe de quatre macchabées dans une journée pour offrir une paire de Louboutin à son amie Adèle, elle lui signifie que non elle n'est pas moche, elle se trouve moche ce n'est pas pareil (p39), que quand elle aime, elle ne compte pas...Bref, l'amie, la vraie. 

    Bref, ces deux jeunes filles d'aujourd'hui vont partager leur quotidien au cours de ces quelques trois cents pages. Mais surtout, Adèle va trouver l'amour, le grand. Non, elle ne sera pas la conjointe d'un homme "normal". Elle tombe amoureuse d'un masseur qui officie aux Thermes du Paradis. Un homme noir, aveugle. Personne ne veut croire à cette histoire, sauf elle, sauf lui, sauf Leïla. 

    "J'aime être nue dans le noir avec lui. Dans le noir je m'oublie, je me donne et je me damne, le noir est la couleur de mes nuits, le noir est la couleur de mes jours, le noir est mon refuge, le noir est mon pays, le noir est la couleur de l'homme que j'aime, je suis faite pour vivre et mourir dans le noir" (p172)

    Par amour pour lui, elle va gravir tous les obstacles, elle va aller au bout de ses possibilités. Jamais elle ne va faillir, jamais elle ne baissera les bras, jamais elle se dira que cette histoire n'est pas possible. Elle aime, elle ne peut abandonner cet amour hors norme. 

    Mais Léo voudra-t-il de cet amour ? Léo, cet homme noir, qui vit dans le noir mais qui du bout de ses doigts ressent toutes les émotions de ces femmes et hommes qui viennent se faire masser. Léo qui a un coup de foudre pour Adèle. Léo pourra-t-il aussi oublier son ex-petite amie qui revient vers lui ? Léo acceptera-t-il l'opération de la dernière chance qui lui permettra de voir le monde ? Et comment réagira-t-il si la vue devait revenir ? Sera-t-il toujours aussi amoureux d'Adèle ? 

    De son handicap il en fait une force. Il apprend à Adèle à aimer de manière différente, il initie aux jeux de l'amour qui ne passent que par le toucher, l'émotion, la sensation. Léo est un homme attachant et qui tiendra le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page, je vous l'assure. 

    Akli décrit chaque moment avec une plume fine, ardente, vive et incisive. Derrière une histoire peu banale d'amour, on ne peut être insensible aux métaphores, aux phrases de cet auteur. Il pose un regard sur tout ce qui l'entoure, il a le sens du détail, de l'analyse. Ses descriptions sont poétiques, parfois érotiques aussi. Je découvre aussi un homme qui maîtrise tous les détails des chaussures Louboutin, sujet que je ne maîtrise absolument pas. 

    Akli a du faire une immersion dans le monde féminin pour écrire un tel roman. Il décrit l'intimité des filles avec une justesse et une réalité étonnante. 

    "C'est du cinq cents calories l'unité, mais ça vaut le goût. Tant pis pour nos hanches, tant pis pour nos fesses, welcome capitons et cellulite". 

    "Tu me fatigues avec tes complexes. Il y aura toujours une fille plus belle que toi devant toi.Si Léo t'aime, il t'aimera de jour comme de nuit. Sinon c'est un con et il ne te mérite pas. Moi aussi j'ai des complexes, mais je les mets de côté et j'avance". (p201)

    Le titre du livre est pertinent, mais il aurait pu aussi être "Les cercueils ne sont ni repris, ni échangés" (p46)

    Un roman à lire, à dévorer, à embarquer cet été, à partager.